Une personne coupée de son cœur sera toujours violente d’une façon ou d’une autre. Froideur, indifférence, posture condescendante ou méprisante, la violence n’a pas qu’un seul visage. Perversion narcissique ou dépression, immaturité psychique ou traits de caractères ? Quel qu’en soit la raison, ne minimisez-pas, ne vous y habituez pas car ces réflexes sont les premiers symptômes d’une emprise psychologique.
En présence d’une personne coupée de son cœur, l’on se sent gauche, triste, mal à l’aise, confus, désorienté. Se fier à ses ressentis est donc le premier réflexe à avoir pour que la violence ne s’installe pas.
Violence, l’air de rien
L’indifférence est le plus grand des mépris. Et oui, cela est une realité! Comme c’est tellement douloureux d’avoir le sentiment de ne pas exister en présence de l’autre, de passer inaperçu, de parler à un mur ou de ne pas compter pour la personne avec qui l’on vit. Cette posture méprisante qui consiste à faire comme si l’autre n’était pas important est déjà une première caractéristique de la violence invisible.
Mais il est important de noter que la violence invisible peut avoir plusieurs masques pas toujours évidents à identifier lorsque l’on en fait les frais. Plus la violence passe inaperçue et plus elle est sournoise. Au cabinet, je rencontre régulièrement des personnes qui considèrent que leur partenaire est gentil. Il suffit de les faire parler un peu plus longuement de leur relation pour se rendre à l’évidence que ces personnes subissent de la maltraitance psychique sans nécessairement s’en être redues compte.
Elles se sentent mal sans trop savoir pourquoi et s’en avoir conscience qu’elles subissent des attaques. Elles banalisent car elles ont été éduquées à croire que ces façons dont les autres entrent en relation avec elles sont normales et légitimes et que ce sont elles qui sont trop sensibles.
Par ailleurs, l’agresseur a toujours plusieurs visages car une personne agressive qui a un fonctionnement toxique fera tout pour le cacher sachant que le moyen le plus efficace d’y parvenir est de faire douter en semant le doute dans l’esprit de l’autre. Et puis une personne agressive est de toute façon inconstante et instable quand bien même elle ne le montre pas nécessairement. Ainsi, la personne ciblée va se retrouver dans un état de confusion mentale grandissant qui lui ôtera non seulement son discernement et sa lucidité mais qui plus est la capacité de s’en extraire.
La violence commence là où , il y a abscence d’amour.
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Le respect des valeurs
La violence est courante et extrêmement banalisée. Notre société la minimise, notre culture la relativise, la justice ne joue pas suffisamment son rôle si bien qu’elle est encouragée d’une manière implicite. Qui ne dit rien consent dit l’adage. Alors, on n’en parle peu, le moins possible parce que les moyens d’y faire face ne sont pas là. Comme s’il fallait se résigner, soit apprendre à la supporter, soit faire avec. Tant pis pour la sensibilité des bonnes âmes! Les victimes qui tentent de se défendent deviennent un peu trop facilement l’agresseur potentiel dans le regard des autres qui sont bien souvent à leur tour également hypnotisées par la capacité déconcertante de l’agresseur à se faire apprécier. Les victimes n’ayant pas grand-chose à quoi se raccrocher, ne savent même plus si ce qu’elles subissent est réellement de la violence ou pas.
La violence réside déjà dans le fait de bafouer les valeurs sacrées telles que le respect, l’intégrité, la considération, la dignité, l’équité, la vérité, la loyauté, la confiance, la gratitude… Cette règle est élémentaire. Aussi, pour considérer que la posture d’une personne est bienveillante il doit y avoir dans son attitude une absence de désacralisation des valeurs. Normalement, chacun fait de son mieux, personne n’y parvient en permanence mais au moins il ne doit pas y avoir d’intention délibérée de nuire même sous l’emprise de la colère. Ce n’est pas parce que l’on est en colère que le respect des valeurs doit être banni. Lorsque la colère engendre le désir de blesser l’autre alors cela n’est plus de la colère mais de la haine.
Par exemple, une personne qui se dit bienveillante mais qui utilise l’humour narquois pour faire passer un message n’est pas en soit dans une posture de bienveillance. Elle est plutôt en train d’utiliser un subterfuge pour se permettre de juger quelqu’un sans en avoir l'air. Si en plus vous avez droit à un « Oh mais je plaisante voyons, tu n’as vraiment pas d’humour » alors vous avez les bonus culpabilité et manipulation en prime.
Même si cela est fait de manière inconsciente, un agresseur par le biais de ses agissements, tente de vous dépouiller de votre sensibilité, de votre connexion à des émotions positives qu’il ne parvient pas à ressentir. Rattrapé(e) par son sentiment d’impuissance, il(elle) tente de vous contrôler.
Conflit ou violence ?
Dans un conflit, les émotions nous rattrapent, cela est bien naturel. Mais, voyez-vous, ce n’est pas parce que l’on est énervé, agacé, stressé, désabusé, déçu , contrarié ou frustré qu’il est permis de se défouler sur l’autre. Chacun à la responsabilité de ses émotions et ne devrait donc pas tenter d’user de stratégies mesquines et puériles pour préserver son image et défendre ses intérêts.
C’est en cela que réside la différence centrale entre un conflit et une agression (ou une dispute), il n'y a pas de jeux de pouvoirs. Dans un conflit sain et constructif, chacun essaie de faire son maximum pour essayer de se faire comprendre tout en continuant à tenir compte de l’autre. L’esprit n’est pas « que le meilleur gagne ». Savoir défendre ses intérêts et besoins c’est primordial mais jamais au grand jamais au détriment d’autrui et encore moins d’une personne que l’on prétend aimer. Dans un conflit, aucun des deux protagonistes ne tente de prendre l’ascendance, le contrôle ni même ne cherche à ruser pour tirer le drap vers soi.
L’art du conflit sans violence consiste à trouver un accord ou à défaut d’y arriver, à s’écouter respectivement afin de se comprendre au mieux sans se juger. Il est vrai qu’il n’est pas toujours possible de trouver un arrangement qui convienne à tout le monde mais au moins par égard pour soi et pour l’autre nous pouvons nous ouvrir suffisamment pour que chacun puisse se sentir considéré car être considéré c’est avoir une place pour l’autre, c’est une marque de reconnaissance.
Se défouler s’en en avoir l’air
De toute façon, tant qu’une personne ne sait pas communiquer de façon assertive (dans le respect et l’équité de chacun) alors il y a inévitablement une forme de violence qui se met en place et la mauvaise foi qui va avec.Comme je le disais plus haut, la violence est tellement sous-estimée (ainsi que les conséquences qui vont de pair), que les gens n’ont bien souvent pas conscience qu’ils se comportent comme tel. Ils se croient dans leur bon droit, dans une sorte de légitimité à pouvoir défendre bec et ongle leurs certitudes et leurs principes et à faire plier leur partenaire devenu soudainement adversaire. Tous les moyens sont bons, ou presque après tout tant que l’on n’en vient pas aux mains ce n’est pas si grave.
C’est là qu’il y a erreur. Les mots emplis d’hostilité ou de mépris, les gestes débordants, la voix accusatrice et les yeux qui jugent sont chargés en énergie de basse fréquence qui plombe et pour longtemps soit consciemment soit dans le refoulé.
Mais, cette violence-là est perceptible. Elle a au moins le mérite d’être décelable. Il n’y a pas de tentative confusion. Seulement une perte de contrôle, des débordements excessifs ce qui est déjà suffisant pour faire beaucoup de dégâts.
La lâcheté maîtresse de la violence invisible
Le pire c’est lorsque le mépris ainsi que les tentatives de prises de pouvoir se font sous couvert de vouloir le bien de l’autre ou encore en essayant de faire culpabiliser. Attention aux apparences, aux soi-disant bonnes intentions qui ne sont en réalité que des mesquineries déguisées en générosité. Les phrases du style « non mais moi, c’est pour ton bien que je dis ça » ou encore « tu pourrais quand même faire un effort après tout ce que j’ai fait pour toi » sont des exemples de stratégies de manipulation, certes pas nécessairement volontaires ni malveillantes mais quand même, il n’en reste pas moins que ces façons de procéder engendrent beaucoup de mal-être et ne résolvent pas grand-chose. Il est possible que vous vous reconnaissiez vous-même dans l’un de ces exemples car ils font partis des habitudes de langage communément rependues. Qui n’a jamais utilisé ces petites armes pour sensibiliser quelqu’un ?
La violence invisible ou quasi invisible, celle qui est cachée derrière des faux-semblants d’attitudes dites nobles peut tout de même être perceptible. Pour la percevoir (voir au-delà du voile des illusions) il faut être en mesure de prendre de la distance psychique et affective. Sans quoi, votre interlocuteur sur un mode instinctif va trouver les rouages pour vous illusionner et pour vous impressionner introduisant dans votre esprit des pensées, des idées et des ressentis qui ne vous appartiennent pas et qui peuvent même se trouver carrément être à l’opposé de votre propre vérité. Le doute, s’immisce, puis une sorte de sensation comme d’avoir été minable et de devoir faire profil bas voire même de se sentir redevable d’un je ne sais trop quoi. La manipulation est en marche et le triangle de Karpman qui va bien avec également.
Quoi qu’il en soit des intentions réelles de chacun, la lâcheté est une faiblesse dont il vaudrait mieux se méfier tout comme le manque d’humilité qui ne vaut pas mieux. Qu’il en faut du courage pour se regarder dans le miroir que l’autre nous présente ! La violence n’est que guerre d’egos apeurés, peurs refoulées et faussement dominées, croyances inversées et fierté mal placée.
Jeux d’egos
Où se situe la normalité ? Comment discerner ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas ? Comment identifier que notre confiance est galvaudée et qu’à notre insu nous nous laissons manipuler par une personne sans scrupules ou sans conscience de son fonctionnement ?
Et bien tout d’abord écouter ses ressentis, ses perceptions et intuitions. Votre conscience vous alerte et pour ce faire vous envoie des messages en utilisant votre corps comme support de communication. Nous ne sommes jamais en présence d’une personne aux fonctionnements toxiques par hasard. Il convient alors de se questionner aussi pour essayer de comprendre ce qui en soi de façon implicite consent à subir et à supporter cette façon d’être en relation à l’autre qui repose sur un mode destructeur.
Quels aspects de notre enfant intérieur blessé et apeuré se réactivent dans le présent nous amenant à réitérer un scénario avec des jeux de rôles aux enjeux égotiques ? Si l’autre est toxique dans sur son mode relationnel, nous le sommes forcement aussi. Peut-être en miroir inversé avec des intentions et des attentes différentes mais néanmoins quand même dysfonctionnels. Lorsque l’on est en amour de soi, en paix et bien dans sa peau, les manipulateurs n’ont plus de prises et nous sommes en mesure de poser nos limites faces aux attaques et agressions. D’ailleurs on n’attire plus le même profil de personne dans sa vie.
Faire le premier pas pour s’en sortir
Plutôt que de focaliser sur l’autre et ses failles, mieux vaut œuvrer à corriger ses propres postures pour par exemple cesser de consentir, de minimiser, d’excuser, de relativiser, de fermer les yeux lorsqu’il faut les écarquiller en grand, arrêter d’ouvrir son cœur inconditionnellement à quelqu'un qui n’est de toute évidence pas sur la même échelle de valeurs que vous. Ne plus se résigner car à force de supporter l’inacceptable on finit soi-même par devenir l’agresseur de quelqu’un.
Quoi qu’il en soit pour vous, gardez à l’esprit que la violence c'est un peu comme à l’école dans la cours de récré, ce n’est pas toujours celui qui dit qui est alors gare aux apparences, ne vous y trompez-pas et surtout ne vous laissez plus faire. Car la violence lorsqu’elle est à ce point invisible est fourbe et perverse et donc extrêmement dangereuse pour les victimes et leurs proches.
Encore une chose, si vous pensez en être, n’espérez pas que votre bourreau fasse profil bas, jamais ne viendra une reconnaissance de votre souffrance de la part de votre agresseur qui souffre d’une faille narcissique tellement incommensurable qu’il est incapable de faire preuve de lucidité.
C’est donc à vous qu’il revient, non pas de faire changer les choses mais de reprendre votre vie en main. Le plus dur, c’est le premier pas. Les autres suivront.
Mais fort heureusement la violence invisible ne cache pas systématiquement un prédateur de haute voltige, il se peut simplement que vous soyez dans un jeu de pouvoirs relationnels karpanien (triangle de Karpman) et alors avec de la volonté, le désir d’évoluer et animés tous deux de valeurs sincères vous viendrez à bout de vos disfonctionnements pour développer une relation plus paisible.
La capture psychique au travers du regard ou de la voix vous dédouble de vous-même et vous coupe de votre libre-arbitre. Sortir de la violence, c’est apprendre à se faire suffisamment confiance pour ne plus être suggestionnable et ainsi être en capacité de penser et de décider par soi-même sans se sentir en faute.